vendredi 4 février 2005

Bloc notes

Le déferlement de livres et d'articles sur, contre ou pour B.H.L. sur le net et dans la presse m'a amené à relire l'article que Simon Leys (Pierre Ryckmans) avait consacré aux Impressions d'Asie. Paru en février 1986 dans le n° 125 de Lire, il a été repris dans L'humeur, l'honneur, l'horreur (1991). On le retrouve également dans les Essais sur la Chine (Paris : Robert Laffont, coll. "Bouquins", 1998, p. 811-813).

C’est un vrai régal. En voici un extrait. Ce n'est peut-être pas le plus piquant mais il stigmatise bien ce goût de la mise en scène de soi qu'on reproche si souvent au philosophe :

Un critique a reproché à ce livre de contenir vingt-quatre portraits de l'auteur. (Pour ma part, j'en ai compté vingt-sept.) Et pourtant, tout bien réfléchi, là n'est pas le coeur du problème ; après tout, imagineriez-vous Tintin en Amérique sans Tintin ? Au fond, il n'y a pas de règles : comme le faisait Henry James, en littérature tout est permis ------- aussi longtemps que vous intéressez le lecteur. En principe, il ne devrait donc pas être impossible d'écrire un livre sur le thème "l'Extrême-Orient et Moi" ---- tout dépend de la nature et du calibre du "Moi" en question. En d'autres mots, pour emprunter le langage de l'auteur, on pourrait peut-être dire que le problème de ce dernier se situe dans l'ordre de l'Être. Pour que des Impressions d'Asie de M. Lévy puissent vraiment intéresser, au départ, il faudrait d'abord que M. Lévy fût. Et sitôt qu'il aura remédié à cette carence ontologique, il nous captivera, même avec des Impressions de Pontoise.

Les hasards de la recherche sur internet m'ont fait tomber sur le relevé des propos échangés sur un forum (Nouvel Observateur, 5/5/2004) entre B.H.L. et des internautes.
Voici, in extenso, les réponses faites à un internaute qui se souvient de Simon Leys :

question > Bonjour Bernard-Henri. Je tenais à vous dire que j'admirais déjà votre intelligence et votre courage (intellectuel comme physique - cf. votre présence dans certaines régions en guerre), ainsi que votre capacité à encaisser les coups (attaques -souvent convenues- en tous genres, p. ex.) Vous êtes fait en béton armé, ma parole! Ma question : souffrez-vous de ces attaques? Vous arrive-t-il, encore aujourd'hui, de mal dormir à cause d’attaques que vous estimez basses ou scandaleuses (émanant souvent -ai-je remarqué- de gens qui, par le passé, se sont trompés politiquement... et qui vous en veulent sans doute de vous être rarement trompé)? Merci !

BHL > Merci. Mais rassurez-vous. Les attaques de ce genre ne m'atteignent, en effet, pas. Et puis... je dors peu mais bien.

question
> Tant que j'y suis, une autre question : comment expliquez-vous qu'un type comme Philippe Sollers, qui s'est pitoyablement ramassé niveau politique, continue à faire le malin à la télé, se hasardant même à continuer à parler politique, sans aucun scrupule, sans aucun complexe, sans un mot d'excuse pour les gens qui ont souffet des idéologies qu'il a courageusement soutenues à des dizaines de milliers de km des lieux où elles étaient mises en pratique ? Il n'était certes pas le seul à être mao dans les années 70, il faut sans doute se replacer dans le contexte de l'époque, mais ma question est la suivante : comment expliquez-vous que Sollers continue à palabrer, alors qu'un gars comme Simon Leys qui, lui, au moins parlait chinois, qui comprenait donc la presse officielle maoïste, et qui était en mesure de lever les impostures du régime maoïste, se faisant donc (!!) insulter copieusement par Sollers... comment expliquez-vous que le dit Simon Leys soit si peu admiré aujourd'hui pour sa lucidité d'alors, et soit presque oublié (politiquement, j’entends) ? Bref : comment expliquez-vous que celui qui s'est planté soit partout, et celui qui a eu raison nulle part ? Merci.
(PS - je n'ai rien de personnel contre Philippe Sollers, qui est assurément un grand écrivain ;-))

BHL > Voilà, oui. Très grand écrivain. Et quant à la Chine, retournez aux textes: vous verrez que les choses sont plus compliquées que vous ne semblez le croire. Je m'en explique, notamment, dans un chapitre de mon recueil de bloc-notes.

Tombe enfin la conclusion de B.H.L. en personne :

> A tous: au revoir; merci pour cette conversation qui, si peu philosophique fût-elle, n'en était pas moins passionnante. J'ai essayé de répondre au maximum d'entre vous. Mais vous étiez trop nombreux. 271 messages: il paraît que c'est un record ! Pardon à ceux pour lesquels le temps a manqué. Un dernier mot. Je n'ai pas de site personnel et, encore moins, officiel (quelle horreur!!!). Il y a, en revanche, un site créé, en français, par une universitaire américaine qui contient beaucoup d'informations, de documents, d'articles anciens, etc. Ce professeur s'appelle Lilian Lazar. Je pense qu'on trouve les coordonnées du site en tapant mon nom sur Google. A bientôt.

La curiosité m'y a poussé. Rien sur le "recueil de bloc-notes" invoqué plus haut.
Si quelqu'un dispose d'un exemplaire de l'ouvrage en question, je suis preneur d'une copie du chapitre ad hoc.

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